Photo de Maria Valtorta Maria Valtorta
Visionnaire et amie de Dieu

Cette grande mystique contemporaine (1897-1961) est l’auteur d'une oeuvre considérable de plus de 15000 pages manuscrites, dont une partie a été traduite en français sous le titre inadéquate de l'Évangile tel qu'il m'a été révélé (en italien: Il poema dell’Uomo-Dio) en dix volumes. D’autres volumes sont disponibles en italien seulement, notamment les Carnets (Quaderni 1943, 1944 et 1945-1950, environ 2400 pages). On peut ajouter le Libro di Azari (1972) et surtout Lezioni sull'Epistola di Paolo ai Romani (1977).
Cette oeuvre extraordinaire n’est pas sans quelques précédents comme La cité mystique de Marie d’Agréda au XVIlème siècle et surtout l'oeuvre de Catherine Emmerich recueillie par Clément Brentano au début du XIXème siècle.

Avec Maria Valtorta l’ampleur du message, sa qualité objective et sa haute spiritualité en imposent. Rappelons quelques étapes de sa reconnaissance. En 1949, le texte manuscrit du Poema fut présenté au pape Pie XII qui déclara: "Publiez, qui lira comprendra." Il déconseilla d’ajouter une préface qui parlait de phénomène surnaturel. Il ajoutait: "Il n’est pas nécessaire de donner une opinion sur son origine, qu’elle soit extraordinaire ou non. Qui lira comprendra. On fait mention de nombreuses visions et révélations. Je ne dirai pas qu’elles sont toutes authentiques, mais il y en a dont on peut dire qu'elles sont authentiques."

Une première édition en 4 volumes parut chez Pisani (1956-59), lorsqu’un décret du Saint-Office daté du 6 janvier 1960 mit l’ouvrage à l’Index. La mesure fut levée en 1962 à la suite de plusieurs interventions et témoignages, en particulier celui du cardinal Béa, ancien Supérieur de l’Institut biblique et confesseur de Pie XII. La suppression en 1966 par Paul VI des articles 1399 et 2318 du Droit canon abolit l’exigence d’une autorisation ecclésiastique pour la publication des écrits de ce genre: "L’Eglise fait confiance à la conscience mûre des fidèles", précisait le décret de Paul VI. Ajoutons le témoignage de Mgr Pasquale Marchi, ancien secrétaire privé de Paul VI: "Quand Sa sainteté (Paul VI) était Archevêque de Milan, il lut un des livres du Poema dell’Uomo-Dio. Il me dit combien il l’appréciait et m’avait envoyé mettre l'oeuvre complète dans la librairie du séminaire diocésain. "

On pourrait multiplier les noms de lecteurs acquis à l'oeuvre de Valtorta, comme le Padre Pio ou le théologien marial Gabriel Roschini qui a ce mot: "Tout ce que j’ai lu dans tant de livres sur Marie, me semble du papier mâché par comparaison avec le portrait qu‘en trace Maria Valtorta. "

Il ne s’agit pas de tenter une justification théologique de l'oeuvre de Valtorta, mais de constater les effets d’une lecture du Poema et des Quaderni.

Le Jésus des Évangiles apparaît pleinement homme et pleinement Dieu au cours de développements qui prenaient mille risques de ne retenir qu’une des natures du Christ. Si on peut s’exprimer ainsi, le Moi de Jésus brille sous nos yeux en ne sacrifiant ni le réalisme des détails concrets, ni l’extraordinaire mystère que notre regard ne peut qu’effleurer. Ce Visage humain et divin a une beauté singulière et surtout une vérité, une vie étonnante. Tous les acteurs décrits dans le Poema, de la Vierge Marie jusqu'à Judas en passant par les apôtres et les saintes femmes, sont criants de vérité. Le lecteur a l’impression de connaître personnellement le cadre et les personnes qu’il voit littéralement revivre sous ses yeux, un peu à la manière d’un film. La Mère de Dieu, si présente dans ces pages, est un chef-d'oeuvre irrésistible et l’on comprend mieux ce que fut la Mère pour son Fils, qui reste au centre de la fresque non pas comme une icône, mais comme une vision pleine de vie.

Les Quaderni et les commentaires de l’épître aux Romains apportent un enseignement donné par le Christ à Maria Valtorta qu’on peut comparer aux Dialogues de Catherine de Sienne, ce qui n’est pas rien.

L’amour exige la connaissance, on n’aime pas un inconnu. Le Christ, chez Valtorta, est non seulement adorable et proche, il est aussi la source d’un enseignement accordé à notre modernité. On reste confondu par l’aisance et la profondeur de cette catéchèse si autorisée qui donne brusquement un relief inattendu aux moindres paroles de l’Ecriture. Déshabitué et renseigné, le lecteur relit ensuite l’Evangile tel que la tradition nous le donne, avec un regard neuf. Il entre dans le mystère. Au moment où des ouvrages consacrés à la personne de Jésus ruinent l’essentiel du message révélé en prétendant montrer le véritable Jésus, nous avons une oeuvre que les médias ont en grande partie ignorée, qui répond à toutes les objections en montrant Jésus en son temps.

La meilleure présentation du Poema est faite par Jésus Lui-même dans le chapitre 38 du 10e volume intitulé Adieu à I ‘oeuvre:

"A cette oeuvre on n ‘a rien ajouté à la révélation, mais l’on a comblé les lacunes qui s‘étaient produites par des causes naturelles et des volontés surnaturelles. Et s‘il m‘a plu de reconstituer le tableau de ma Divine Charité comme fait celui qui restaure une mosaïque en remettant les tessères détériorées ou manquantes pour rendre à la mosaïque sa complète beauté, et si je me suis réservé de le faire en ce siècle où l’humanité se précipite vers l’Abîme de la ténèbre et de l’horreur pouvez-vous me le défendre?"

Une grâce a été donnée avec cette oeuvre au moment où, sous prétexte de science ou par incrédulité pure et simple, certains disloquent le message évangélique en prétendant reconstituer avec des morceaux arrachés ici et là un ensemble mort. La culture de mort dont parle Jean-Paul Il ne sévit pas seulement en dehors du corps ecclésial, elle fait des ravages aussi dans les milieux chargés d’apporter une explication scientifique en vue de la prédication.

Rien n’est ajouté à la Révélation, mais des lumières nouvelles sont mises au service de cette Révélation pour lutter contre l’envahissement des ténèbres et contribuer ainsi à sauver les âmes.

LA SITUATION ACTUELLE

En 1985 le Cardinal Ratzinger, préfet de la sacrée congrégation pour la doctrine de la foi, a adressé une lettre au Cardinal Siri, archevêque de Gênes, confirmant la valeur morale de la condamnation de l'oeuvre de Maria Valtorta et jugeant inopportun sa diffusion, pour empêcher les dommages que cette oeuvre pourrait causer aux gens simples (sprovveduti).

Plus récemment, en 1992, le secrétaire général de la Conférence épiscopale italienne demanda formellement au centre éditorial valtortien que l’on fasse figurer clairement dès les premières pages l’avertissement selon lequel les visions et les dictées qui y sont rapportées ne peuvent pas être considérées comme d’origine surnaturelle, mais doivent être tenues simplement comme des formes littéraires dont l’auteur s‘est servie pour raconter à sa manière la vie de Jésus.

Ces réserves du Magistère sont compréhensibles dans la mesure où l’on veut éviter que l'oeuvre de Valtorta se substitue, dans l’esprit de certains à l’Evangile lui-même. Elles ne cessent pourtant pas de poser un vrai problème de conscience pour le lecteur qui sait par ailleurs que Valtorta insiste à maintes reprises sur le caractère surnaturel de son message, dont elle est l’intermédiaire et non l’auteur véritable. On peut même dire que l'oeuvre dépasse si évidemment la capacité de cette femme intelligente, mais sans formation théologique ou exégétique particulière, que la preuve est donnée par la lecture elle-même.

Il s’agit donc de respecter l’avis de prudence, et non pas d’interdiction, du Magistère et de comprendre que l'oeuvre de Valtorta n’est pas un nouvel Évangile. En même temps il faut constater qu’elle n'a rien d’une pieuse fiction tirée de son imagination:

"J’oublie tout de suite les paroles, bien que persistent les ordres qui me sont donnés et dans l’âme reste la lumière. Mais les détails disparaissent immédiatement. Si une heure après, je devais répéter ce que j‘ai entendu, à part une ou deux phrases plus importantes, je ne me rappellerais plus rien, tandis que les visions restent vivantes en mon esprit, parce que j‘ai dû les observer par moi-même. Les dictées, je les reçois. Les visions, je dois les percevoir. Elles restent donc plus vives dans ma pensée qui s‘est efforcée de les noter au fur et à mesure

Alors que l’Ecriture canonique a une valeur universelle pour tous les âges et toutes les âmes, les textes mystiques, dont l’histoire de l’Eglise est riche, ont une destination plus limitée dans le temps et dans les âmes. On peut penser que l’œuvre de Maria Valtorta est particulièrement accordée aux besoins de notre temps saturé d’images et de théologie-fiction.

Avec Valtorta, nous ne partons pas dans des interprétations symboliques, nous sommes rendus témoins de faits et nous lisons des récits et des conversations rapportées telles quelles. Les personnes, et en particulier Jésus, s’expriment longuement tout en évitant la banalité.

Une autre grande mystique dont la cause de béatification est actuellement examinée, Conception Cabrera de Arminda (Conchita), née en 1862 et morte en 1937, évoque aussi dans son Journal le mode d’inspiration dont elle bénéficie:

"Le mode dont Je me communique porte en lui-même la marque de l‘Unité, parce que en Dieu qui est Un, vont ainsi les choses, simplifiées de toutes parts. Par exemple:

voici que, soudain, je me reflète dans ton âme comme dans un cristal. Là s ‘impriment ces rayons divins et toi, sous cette impression, tu vois, tu contemples et tu comprends. Aussitôt avec le concours de ton intelligence. Tu leur donnes forme en des paroles, tandis que Moi-même, sans t’en avertir Je te laisse t’adapter avec plus ou moins d’exactitude; mais dès la première illumination, j’ai laissé en toi la substance, 1‘essence, la photographie de la chose communiquée. Tu la transcris alors de ton âme dans tes facultés intellectuelles et de là sur le papier. Selon ce mode de communication de Dieu avec sa créature, il n‘y a pour ainsi dire pas d’erreur; les passions humaines ne viennent pas s‘y mêler, elles qui obnubilent et déforment jusqu‘à les effacer les traces de Dieu dans l’âme2.

Ce texte très remarquable peut aussi s’appliquer à Valtorta à propos des Quaderni ou des commentaires de l‘épître aux Romains. Pour le Poema, le mode est encore différent puisqu’il ne s’agit pas seulement de paroles, mais aussi de visions prolongées décrites sur-le-champ. Catherine Emmerich voyait aussi se dérouler des scènes de la vie de Jésus, mais c’était Clément Brentano (le pèlerin) qui tenait la plume. Maria Valtorta écrit ce qu’elle voit et ne peut même pas continuer de mémoire.

Son autobiographie montre ce qu’elle pouvait faire d’elle-même et la différence avec ses textes inspirés est frappante.

On pourrait citer bien d’autres témoignages, Hildegarde de Bingen, Gertrude d’Hefta, Brigitte de Suède, Catherine de Sienne, Catherine de Gênes, Françoise Romaine, Marie de l’Incarnation, l’Ursuline, et de nos jours Gabrielle Bossis, Marie Sevray et Angélique Millet, pour illustrer les formes si variées des communications de Dieu à des âmes choisies. Actuellement ces charismes sont particulièrement nombreux et ne se ressemblent nullement tout en trahissant une même inspiration; on pense à Vassula Ryden ou Marie-Benoîte Angot. On croit toujours avoir cerné le genre de témoignage possible et la réalité bouscule ces limites qui sont les nôtres.

Pour revenir à Valtorta, son succès tient aussi à la qualité littéraire du Poema, mais il ne s’agit pas d’une facile vulgarisation à l’aide d’images. Le message est d’une étonnante profondeur et la hardiesse de cette extraordinaire observation nous met en face de vérités parfois sévères ou tragiques, mais toujours extrêmement cohérentes avec la personne de Jésus vrai Dieu et vrai homme. Ce mystère insondable devient peu à peu, pour le lecteur qui adhère à ce témoignage, une expérience spirituelle.

Le critique, pour traiter ce sujet délicat, doit être non seulement théologien, mais aussi mystique, capable de saisir par connaturalité la présence qui inspire tous ces récits. Si on trouve des longueurs, il faut les attribuer à l’impossibilité pour l’auteur d’embrasser synthétiquement tant de tableaux, et de scènes, mais cette faiblesse elle-même devient un signe de vérité en traduisant la réalité de ce qui est vu.

CONCLUSION

Rappelons pour finir un passage de l’Evangile: "Joseph, son mari, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, résolut de la répudier (apolusai) sans bruit."

Le Magistère se trouve parfois vis-à-vis des mystiques dans la position de Joseph, ignorant que Marie portait en elle l'oeuvre de l’Esprit-Saint. Sur le moment, en effet, il n’est pas toujours facile de discerner ce qui est authentique et on assiste à une sorte de répudiation commandée par la prudence.

Il faut bien distinguer cette prudence légitime d’une incrédulité qui a caractérisé l’attitude des pharisiens auxquels le Christ disait: "Pourquoi ne me croyez-vous pas? Qui est de Dieu, entend les paroles de Dieu" (Jn 8,46).

En ce sens le conseil de Pie XII "Publiez, qui lira comprendra" reste d’actualité, et loin de craindre un regard critique, on le sollicitera plutôt pour mieux faire la part de la lumière venue de Dieu et celle du cristal qui reçoit cette lumière.

Patrick de Laubier
Professeur de sociologie de l'Université de Genève
1. Maria Valtorta, L’Evangile tel qu’il m’a été révélé, CEV 1985, T.1 tr. française p. 18
2. Conchita, Journal d’une mère de famille, publié par M. Philippon op., DDB 1974, p. 129 
 

Article paru dans le mensuel d'information religieuse STELLA MARIS  N°301 Février 1995.
Vous trouverez tous les livres de Maria Valtorta aux  EDITIONS DU PARVIS.
 

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