LEÇON SUR LA TENTATION
(Maria Valtorta - L'Évangile tel qu'il
m'a été révélé - Tome 2)
Jésus emmène Simon-Pierre, Jean
et Judas sur les lieux de sa Tentation au désert.
... Ils vont, ils vont, et vont, pendant des heures. La terre est toujours
plus stérile et plus triste. Des éclats scintillants brillent
dans des petites rides du sol, dans des trous parmi les aspérités
du terrain. On dirait des éclats de brillants ternis. Jean se baisse
pour les regarder. « C’est le sel du sous-sol. Il en est saturé.
Il affleure avec les crues du printemps et puis se dessèche, Voilà
pourquoi la vie ne résiste pas ici. La mer Orientale, par des veines
profondes répand la mort à plusieurs stades alentour. Là
seulement où des sources d’eau douce s’opposent à son action,
là seulement on peut trouver des arbres pour s’abriter » explique
Jésus.
Ils marchent encore. Puis Jésus s’arrête près de
la grotte où je l’ai vu tenté par Satan. «Arrêtons
nous ici. Assoyez-vous. D’ici peu ce sera le chant du coq. Depuis six heures
nous marchons et vous devez avoir faim et soif, être fatigués.
Prenez. Mangez et buvez assis ici autour de Moi, pendant que je vous dis
encore une chose que vous direz aux amis et au monde.» Jésus
a ouvert son sac et en a tiré pain et fromage qu’il coupe et distribue
et il verse de l’eau de sa calebasse dans un bol et la distribue aussi.
« Tu ne manges pas Maître?»
« Non. Je vous parle. Ecoutez. Il y eut une fois quelqu’un, un
homme qui me demanda si j’avais jamais été tenté.
Qui me demanda si je n’avais jamais péché. Qui me demanda
si, au cours de la tentation, je n’avais jamais cédé. Et
qui fut stupéfait de ce que Moi, le Messie, j’eus demandé,
pour résister, l’aide du Père en disant: '' Père,
ne m’induis pas en tentation ''.»
Jésus parle doucement, comme s’il racontait un fait ignoré
de tous... Judas baisse la tête comme s’il était gêné.
Mais les autres sont tellement attentifs à regarder Jésus
qu’ils ne s’en aperçoivent pas.
Jésus continue: « Maintenant, vous, mes amis, vous pourrez
savoir ce que très légèrement cet homme apprit. Après
le Baptême — j’étais pur, mais on ne l’est jamais suffisamment
par rapport au Très-Haut et l’humilité de dire: “Je suis
un homme pécheur” est déjà un baptême qui purifie
le coeur — après le Baptême, je suis venu ici. J’avais été
appelé “ l’Agneau de Dieu ” par celui qui, saint et prophète,
voyait la Vérité et voyait l’Esprit descendre sur le Verbe
et le faire l’oint par son chrême d’amour pendant que la voix du
Père remplissait les cieux du son de ses paroles en disant: “Voici
mon Fils Bien-Aimé, en qui je me suis complu ”. Toi, Jean, tu étais
présent quand le Baptiste a répété les paroles...
Après le Baptême, bien que pur par nature et pur par ma personnalité,
je voulus “ me préparer ” Oui, Judas. Regarde-moi. Mon oeil te dit
ce que encore tait ma bouche. Regarde-moi, Judas. Regarde ton Maître
qui n’a pas eu conscience d’être supérieur à l’homme
du fait qu’il était le Messie et qui, même sachant qu’Il était
l’Homme, a voulu l’être en tout, sauf dans la condescendance au mal.
Voilà: c’est ainsi. »
Maintenant Judas a levé le visage et regarde Jésus qu’il
a en vis-à-vis. La lumière des étoiles fait briller
les yeux de Jésus comme si c’était deux étoiles éclairant
son pâle visage.
« Pour se préparer à être Maître, il
faut avoir été écolier. Moi, je savais tout comme
Dieu. Mon intelligence pouvait aussi me faire comprendre les luttes de
l’homme par mon intelligence et intellectuellement. Mais un jour, quelque
pauvre ami à moi, quelque pauvre fils à moi, aurait pu dire
et me dire: “Tu ne sais pas ce que c’est que d’être un homme et d’avoir
sentiments et passions “. Ç'aurait été un reproche
juste. Je suis venu ici-même, là, sur ce mont, pour me préparer...
non seulement à la mission... mais à la tentation. Voyez-vous?
Là où vous êtes assis, Moi je fus tenté. Par
qui? Par un mortel? Non. Trop faible aurait été sa puissance.
J’ai été tenté par Satan, directement.
J’étais épuisé. Depuis quarante jours, je ne mangeais
plus... Mais tant que j’avais été perdu dans l’oraison, tout
s’était anéanti, dans la joie de parler avec Dieu, plus qu’anéanti:
devenu supportable. Je le ressentais comme un amoindrissement matériel,
qui se bornait à la matière seule... Puis, je suis revenu
au monde... sur les routes du monde... et j’ai ressenti les besoins de
qui vit en ce monde. J’ai eu faim. J’ai eu soif. J’ai senti le froid piquant
de la nuit du désert. J’ai senti mon corps brisé par le manque
de repas, de couche, et du long chemin accompli dans de telles conditions
d’épuisement qu’elles m’empêchaient d’aller plus loin...
Car j’ai une chair, Moi aussi, amis. une vraie chair. Et elle est sujette
aux mêmes faiblesses qu’éprouvent toutes les chairs. Et avec
la chair, j’ai un coeur. Oui. De l’homme j’ai pris la première et
la seconde des trois parties qui constituent l’homme. J’ai pris la matière
avec ses exigences et la sensibilité avec ses passions. Si par l’effet
de ma volonté j’ai réduit dès avant leur naissance
toutes les passions qui ne sont pas bonnes, j’ai laissé croître,
puissantes comme des cèdres centenaires, les saintes passions de
l’amour filial, de l’amour de la patrie, des amitiés, du travail,
de tout ce qui est excellent et saint. Et ici, j’ai senti la nostalgie
de la Maman lointaine, j’ai ressenti le besoin de ses soins sur ma fragilité
d’homme. Ici, j’ai senti se renouveler la souffrance de m’être séparé
de l’unique qui m’aimât parfaitement. Ici, j’ai ressenti la souffrance
qui m’était réservée et la douleur de sa douleur,
pauvre Maman, qui n’aura plus de larmes, tant elle devra en répandre
pour son Fils et à cause des hommes. Ici, j’ai ressenti la lassitude
du héros et de l’ascète qui, en une heure de prémonition,
se rend compte de l’inutilité de son effort... J’ai pleuré...
La tristesse.. appel magique pour Satan. Ce n’est pas péché
d’être triste si l’heure est torturante. C’est péché
de s’abandonner à la tristesse et de tomber dans l’inertie ou le
désespoir. Mais Satan s’amène tout de suite quand il voit
quelqu’un qui tombe dans la langueur spirituelle.
Il est venu, en habits de voyageur serviable. Il prend toujours un
aspect sympathique... J’avais faim.., et j’avais mes trente ans dans le
sang. Il m’a offert son aide et il a commencé par me dire:
“Dis à ces pierres qu’elles deviennent des pains“. Mais, avant
encore... oui... encore avant, il m’avait parlé de la femme... Oh!
il sait en parler. Il la connaît à fond. Il a commencé
par la corrompre pour s’en faire une alliée dans son oeuvre de corruption.
Je ne suis pas seulement le Fils de Dieu. Je suis Jésus, l’artisan
de Nazareth. A cet homme qui me parlait alors, me demandant si je connaissais
la tentation et m’accusait presque d’être injustement heureux parce
que je n’avais pas péché, à cet homme j’ai dit:
“L’acte s’apaise dans la satisfaction. La tentation quand on la repousse
ne tombe pas, mais se fait plus forte surtout parce que Satan l’excite
“. J’ai repoussé la double tentation de la faim de la femme et de
la faim du pain. Et sachez que Satan me proposait la première et
il n’avait pas tort, d’après le jugement des hommes, comme la meilleure
alliée pour m’imposer dans le monde.
La Tentation, qui n’était pas vaincue par mon: “Ce n’est pas
seulement des sens que vit l’homme “, me parla alors de ma mission. Elle
voulait séduire le Messie après avoir tenté l’homme
jeune. Elle me poussa à annihiler les indignes ministres du Temple
par un miracle... Le miracle, flamme du Ciel, ne se prête pas à
se faire cercle d’osier pour qu’on s’en fasse une couronne... Et on ne
tente pas Dieu en Lui demandant des miracles à des fins humaines.
C’est cela que voulait Satan. Le motif présenté était
un prétexte; la vérité était: “Glorifie-toi
d’être le Messie “, pour m’amener à l’autre concupiscence,
celle de l’orgueil.
Pas vaincu par mon: “Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu” il chercha
à me circonvenir par la troisième force de sa nature: l’or.
Oh! l’or. Grande chose que le pain et plus grande la femme pour qui est
affamé de pain ou de jouissance. Très grande chose l’acclamation
des foules pour l’homme... Pour ces trois choses que de fautes se commettent!
Mais l’or... mais l’or... Clef qui ouvre, moyen de corruption, c’est l’alpha
et l’oméga de quatre vingt dix neuf actions sur cent pour les hommes.
Pour le pain et la femme, l’homme devient voleur. Pour la puissance il
va jusqu’à l’homicide. Mais, pour l’or, il devient idolâtre.
Le roi de l’or: Satan, m’a offert son or pour que je l’adore,.. Je l’ai
transpercé avec les paroles éternelles: “ Tu n’adoreras que
le Seigneur ton Dieu ”
C’est ici, ici que cela est arrivé.»
Jésus s’est levé. Il paraît plus grand qu’à
l’ordinaire dans la plaine qui l’entoure, dans la lumière légèrement
phosphorescente qui tombe des étoiles. Les disciples se lèvent
aussi. Jésus continue a parler en fixant intensément Judas.
«Alors sont venus les anges du Seigneur... L’Homme avait remporté
la triple victoire. L’Homme savait ce que voulait dire être homme
et il avait vaincu. Il était épuisé. La lutte avait
été plus épuisante que le jeûne prolongé...
Mais l’esprit dominait... Je crois que les Cieux ont tressailli à
mon affirmation complète de créature douée de raison.
Je crois que, de ce moment est venu en Moi le pouvoir du miracle. J’avais
été Dieu. J’étais devenu l’Homme. Maintenant, triomphant
de l’animal conjoint à la nature humaine, voilà que j’étais
l’Homme-Dieu. Je le suis. Et comme Dieu, je puis tout. Et comme Homme j’ai
l’expérience de tout. Agissez, vous aussi, comme Moi, si vous voulez
faire ce que je fais. Et faites-le en souvenir de Moi.
Cet homme s’étonnait que j’eusse demandé l’aide du Père
et que je l’eusse prié de ne pas m’induire en tentation. De ne pas
m’abandonner donc au risque d’une tentation qui dépasserait mes
forces. Je croîs que cet homme, maintenant qu’il sait, ne s’étonnera
plus. Agissez vous aussi de même en souvenir de Moi, et pour vaincre
comme Moi et ne doutez jamais en me voyant fort dans toutes les épreuves
de la vie, victorieux dans la bataille des cinq sens, de la sensibilité
et du sentiment, sur ma nature de véritable Etre humain, et en plus
d’Être divin. Rappelez-vous de tout cela.
Je vous avais promis de vous conduire là où vous auriez
pu connaître le Maître.. depuis l’aube de son jour: une aube
pure comme celle qui va se lever jusqu’au midi de sa vie, ce midi d’où
je suis parti pour aller à la rencontre du soir de ma vie... J’ai
dit à l’un de vous: “Moi aussi, je me suis préparé
“. Vous voyez que c’était vrai. Je vous remercie de m’avoir tenu
compagnie dans ce retour à mon lieu de naissance et a mon lieu de
pénitence. Les premiers contacts avec le monde, m’avaient déjà
donné la nausée et apporté le découragement.
Il est trop laid. Maintenant mon âme s’est nourrie de la moelle du
lion: de la fusion avec le Père dans l’oraison et dans la solitude.
Je puis retourner dans le monde pour reprendre ma croix, ma première
croix de Rédempteur: celle du contact avec le monde, avec le monde
où trop peu nombreuses sont les âmes qui s’appellent Marie,
qui s’appellent Jean ...
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